Sous l’apparente légèreté d’un trio amoureux, Michal Govrin conduit avec maestria un roman choral dont les protagonistes, animés en ce début des années soixante par un éclatant désir de vivre, partagent un été lumineux dans la petite ville côtière du sud d’Israël où se noue l’intrigue. Esther Weiss vient de terminer sa scolarité dans une école religieuse. Elle s’apprête à rentrer à l’armée. Mue par un élan qui lui échappe, elle s’offre en secret une robe à bretelles et descend au dancing de la plage. Au bar, Moïse Derand, arrivé droit de Paris pour l’enterrement de sa mère, boit un Campari. Son regard est aimanté par une silhouette à la robe légère qui se tient, solitaire, à l’autre bout de la piste. Derrière le comptoir, Alex Morgenstern suit le regard de cet homme mûr et bien mis, dont l’élégance lui rappelle Buenos Aires, sa ville natale ; lui non plus n’aura de cesse de conquérir la jeune fille, inconsciente de sa beauté.
En parfaite dramaturge, Michal Govrin rend inéluctable la tempête amoureuse. Ces trois-là vont vivre leur rencontre comme une révolte et une libération. Esther étouffe chez ses parents, propriétaires d’une poissonnerie en ville et tous deux rescapés de la Shoah. Moïse qui, adolescent, a quitté seul son Maroc natal pour partir en France alors que sa famille émigrait dans le tout jeune État d’Israël, se sait dans une impasse : son beau mariage et sa situation parisienne florissante ont un goût amer. Quant à Alex, le jeune Argentin taciturne, il veut laisser loin derrière lui le cabinet de son père psychanalyste et ses sombres secrets. Explorant leur triangle amoureux, la romancière plonge dans le passé de chacun de ses personnages, et laisse entendre à son lecteur, bien avant un éblouissant final, que l’histoire du siècle les lie bien plus intimement que leur romance d’été.